
Alors que l’Assemblée nationale a approuvé la création d’un "droit à l’aide à mourir" en adoptant l’article 2 de la proposition de loi d’Olivier Falorni, le père Laurent Stalla-Bourdillon, directeur du Service pour les professionnels de l’information, dénonce une imposture conceptuelle. Faire de la mort un "nouveau droit", c’est détruire le fondement du droit, affirme-t-il.
Il est proprement déconcertant, pour ne pas dire accablant, d’entendre certains députés défendre avec assurance la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, comme s’il s’agissait là d’un nouveau progrès social, d’un droit moderne enfin accordé aux personnes en fin de vie. La rhétorique bien huilée du « nouveau droit » est répétée comme un mantra : droit individuel, droit de choisir sa fin, droit à une mort « digne »… Et pour faire bonne mesure, on ajoute que ce nouveau droit n’enlèverait rien à personne. Il serait neutre, paisible, presque bienveillant. Bref, la mort sans dommages collatéraux. Mais c’est là que le grotesque le dispute au cynisme.
Car enfin, quel est ce « droit » qui, pour s’exercer, exige l’anéantissement de celui qui en bénéficie ? C’est une règle élémentaire du droit que toute liberté nouvelle vient s’ajouter à l’ensemble des droits existants, dans une logique d’élargissement de l’autonomie, de la responsabilité, de la participation à la vie commune. Or ici, ce « droit » ne s’ajoute à rien : il détruit tout. Absolument tout.
Ce prétendu droit à mourir, une fois exercé, anéantit le sujet même de tous les droits. C’est une imposture conceptuelle, un contresens logique, une absurdité juridique. Imagine-t-on un instant un député oser défendre un « droit à l’esclavage » librement consenti, ou un « droit à disparaître civilement » ? Non, parce que de tels actes suppriment le sujet de droit lui-même, et rendent caduque toute possibilité d’exercice des droits. La mort, rappelons-le, est l’immédiate parution devant l’amour de son Créateur. La mort n’est pas un état de la liberté, c’est l’abolition définitive de toute liberté. Et pourtant, c’est exactement ce que certains s’acharnent à faire passer pour un progrès.
Ils veulent faire croire qu’il s’agit d’un combat sociétal, à l’image de ceux menés autrefois pour élargir l’accès à certains droits (PMA, mariage, etc.). Mais ici, la logique n’est plus cumulative, elle est dissolutive. Ce que l’on propose au nom du droit, c’est le renoncement pur et simple au seul socle commun de tous les droits : l’existence. Ce n’est plus du droit, c’est la négation radicale de la condition de sujet.
C’est pourquoi il faut le dire avec force : ce “droit” est la caricature tragique du droit, un droit qui n’émancipe pas, mais qui supprime le titulaire de toute émancipation possible. Un droit qui ne protège pas la vie, mais qui institutionnalise la rupture du lien humain, social, politique, spirituel. Cette loi serait la plus spectaculaire des régressions démocratiques, car elle consacre une vision de l’homme qui ne vaut que tant qu’il est utile, autonome, performant, et qui, dès qu’il faiblit, peut être “librement” effacé.
Il fallait, je crois, le souligner sans détour : les discours que l’on entendra encore dans les jours à venir contreviennent non seulement au sens commun, mais à la réalité la plus fondamentale : la vie humaine, aussi diminuée soit-elle, reste le fondement de tous les droits.
Donner à la mort un statut juridique de liberté personnelle, c’est renverser la civilisation au profit du néant, c’est ériger la sortie de l’humanité en option politique. Et cela, franchement, est la dernière des choses à faire.