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Un baptême ! Oui, mais encore ?

Le temps du carême a engagé les chrétiens à revenir à l’intime de leur vie. A cette respiration intérieure, à ce qui fait la vie de l’âme !
L’âme, « cette substance intérieure irréductible » comme disait les anciens.
L’âme, capable de s’étonner de l’existence de nous-mêmes.
L’âme qui éveille à l’aventure en profondeur,
L’âme qui expose à la quête du sens, à la vérité !
L’âme éprise du souffle de la vie !

Tous les adultes baptisés dans la nuit de Pâques, ont répondu à un appel qui a retentit en leur âme. L’appel à chercher ce qui rend l’homme heureux ici sur terre. L’appel à garder un œil ouvert sur le mystère de notre vie. Ils se sont échappés des sentiers battus de notre époque, ils sont sortis des mythologies modernes et rassurantes, limitées, qui réduisent l’homme à de la matière, à du nombre.

Sans le savoir, ils ont accompli le sage conseil que donnait sainte Thérèse d’Avila dans le Château Intérieur. Ils ont renoncé – je la cite - « à la bêtise de ne pas chercher à savoir ce que nous sommes, (…) d’ignorer les biens que peut contenir cette âme, qui habite en cette âme, ou quel est son grand Prix ; cela hélas nous n’y songeons que rarement ; c’est pourquoi on a si peu soin de lui conserver sa beauté ».

Ensuite au fil des mois de leur préparation à la grâce du baptême, ils ont compris la sagesse de Blaise Pascal : « Ce n’est point de l’espace que je dois chercher ma dignité, mais c’est du règlement de ma pensée. (…)  » et ils ont approché ce mystère étonnant : « Par l’espace l’univers me comprend et m’engloutit comme un point, par la pensée je le comprends.  » Le baptême atteste une réalité inouïe, la vérité de ce que nous sommes : nous sommes enfants de Dieu ! Ces adultes nouvellement chrétiens, n’ont pas décrété la vérité du sens de la vie. C’est plutôt la Vérité qui les a trouvés et les a entrainés avec elle. Cette vérité est désormais pour eux une Personne, c’est Jésus. Il leur offre de partager son chemin vers Dieu son Père.

En recevant le baptême, ces adultes deviennent fils et fille de Dieu. Ils permettent à Dieu qui est Père, Fils et Saint-Esprit de faire en eux leur demeure. Ainsi se réalise la plénitude de leur humanité, car l’homme devient pleinement homme lorsque Dieu demeure en lui. En somme, l’homme devient vraiment son unique Temple. Par leur baptême, l’Esprit-Saint suscite en eux une conscience nouvelle : la conscience d’être enfant de Dieu.

Toute la liturgie de Pâques s’efforce de faire entrer dans ce mystère de la vérité sur l’origine de l’homme et sur sa vocation à la vie divine. Cette fête de Pâques est « la fête des fêtes, la solennité des solennités » disait saint Augustin. Elle déploie successivement pas moins de quatre liturgies et quatre symboles : le feu, le souffle, l’eau et le pain !

La LITURGIE DE LA LUMIÈRE d’abord avec la bénédiction du feu nouveau, la bénédiction du cierge pascal dont la flamme brille en signe de la victoire définitive du Christ sur la mort ! Jésus mort et ressuscité illumine leurs ténèbres. Il dissipe toute obscurité.

Puis la LITURGIE DE LA PAROLE permet de faire mémoire des merveilles de Dieu au cours de l’histoire. C’est par le souffle de sa bouche que Dieu nous créé, c’est parce qu’Il nous parle que nous existons, et c’est encore son souffle qui nous relèvera de la mort.
Puis avec l’eau vient la LITURGIE BAPTISMALE. Avec la bénédiction de l’eau et l’aspersion, tous les baptisés sont rénés et rénovés dans leur foi. Enfin, par la LITURGIE EUCHARISTIQUE, ils communient au pain du Ciel, au Corps du Christ ressuscité pour être remplis de son Esprit !

Quatre symboles, que les nouveaux baptisés conserveront comme une matrice de foi :
DIEU EST lumiere, il est l’origine de tout,
DIEU CREE par son souffle et porte chacun dans le souffle de sa parole,
DIEU LAVE de toute souillure dans son amour, eau jaillie du côté du Christ,
DIEU ILLUMINE de son Esprit et pour cela donne en nourriture le Pain du ciel, le Corps de Jésus ressuscité.

Ainsi s’énonce la réponse de l’Eglise à la grande énigme du sens de la vie.

Ne cachons pas l’immense difficulté de faire entendre aujourd’hui ce que le baptême signifie. La foi au Christ est certes incomparable, elle n’est pas tant la promesse d’un accomplissement que l’accomplissement d’une promesse. Mais, cette promesse se heurte au scepticisme et à la dérision. Il est difficile sinon impossible « de croire » à ce que beaucoup identifient comme de la naïveté, de scandaleuses superstitions, des traditions dépassées.

Alors voici pour conclure un encouragement : l’encouragement à la douceur. Il ne faut pas qu’un discours religieux vienne trop vite obturer l’énigme du sens de la vie. Il faut rester en quelque sorte face à l’absence de sens. Il faut accepter de ne pas avoir toute la réponse, ni réponse à tout. Un célèbre mot de Rilke dit : « Essayez d’aimer vos questions elles-mêmes. Ne cherchez pas des réponses qui ne peuvent vous être apportées, parce que vous ne saurez pas les vivre. Et il s’agit précisément de tout vivre. Ne vivez, pour l’instant, que vos questions. Peut-être simplement finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses. [1] »

Ce mystère n’est donc pas annoncé pour être cru seulement, mais pour être vécu. Car on ne défend vraiment la foi au Christ qu’en en vivant vraiment. L’amour en effet s’annonce en aimant ! Les nouveaux chrétiens de Pâques deviennent donc des envoyés. Ils ne sont pas chrétiens pour eux-mêmes, mais pour les autres. Pour que les autres trouvent en eux ce que leur Seigneur a déposé en eux, pour ceux qui ne le connaissent pas encore.

Si donc le besoin de croire et d’espérer, le besoin de donner du sens ne peut être réprimé, alors ils se savent attendus. Ils savent que leur Seigneur ressuscité les précède à l’intime de tous ceux qu’il mettra sur leur route.

Notes :

[1Rainer Maria Rilke, écrivain autrichien (1875-1926), Lettres à un jeune poète.


Père Laurent Stalla-Bourdillon

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