Pour une Église synodale

Le Pape François a lancé un processus synodal qui s’ouvrira solennellement les 9-10 octobre 2021 à Rome et le 17 octobre suivant dans chaque Église particulière dans le monde. Il se conclura par l’Assemblée générale du Synode des évêques au Vatican en octobre 2023. Un important document préparatoire intitulé « Pour une Église synodale : communion, participation et mission  » [1] est désormais disponible pour toute personne, catholique, chrétienne et même non chrétienne, souhaitant contribuer à stimuler les idées, les énergies et la créativité pour accompagner le monde contemporain.

Dans le sillage de l’aggiornamento de l’Église proposé par le concile Vatican II, François propose de prendre le chemin de la synodalité. Cette « marche ensemble » réalise et manifeste le plus la nature de l’Église comme Peuple de Dieu pèlerin et missionnaire. La synodalité est la forme, le style et la structure de l’Église. Il s’agit de se mettre à l’écoute de l’Esprit Saint et de rester ouverts aux surprises.

Ce travail doit permettre d’examiner la façon dont sont vécus dans l’Église la responsabilité et le pouvoir, ainsi que les structures par lesquels ils sont gérés, en essayant de convertir les préjugés et les pratiques déviantes qui ne sont pas enracinés dans l’Évangile.

La tragédie globale de la pandémie de Covid-19 a réveillé la conscience que nous constituons une communauté mondiale qui navigue dans le même bateau, où le mal de l’un porte préjudice à tout le monde. Nous nous sommes rappelés que personne ne se sauve tout seul, qu’il n’est possible de se sauver qu’ensemble » (Fratelli tutti,n. 32). (n°5) En même temps, l’humanité apparaît toujours plus secouée par des processus de massification et de fragmentation. François appelle à se mettre à l’écoute de la clameur des pauvres et de la clameur de la terre et à reconnaître les semences d’espérance et d’avenir que l’Esprit continue à faire germer à notre époque. En effet, « le Créateur ne nous abandonne pas, jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, il ne se repent pas de nous avoir créés. L’humanité possède encore la capacité de collaborer pour construire notre maison commune » (Laudato si’,n. 13).

Nous ne pouvons pas nous cacher, dit le Pape François, que l’Église elle-même doit affronter le manque de foi et la corruption jusqu’en son sein-même. En particulier, nous ne pouvons pas oublier la souffrance vécue par des personnes mineures et des adultes vulnérables à cause d’abus sexuels, d’abus de pouvoir et de conscience commis par un nombre important de clercs et de personnes consacrées. Nous sommes continuellement interpellés en tant que Peuple de Dieu d’assumer la douleur de nos frères blessés dans leur chair et dans leur esprit : pendant trop longtemps, l’Église n’a pas su suffisamment écouter le cri des victimes. Il s’agit de blessures profondes, difficiles à guérir, et pour lesquelles nous ne demanderons jamais assez pardon.

Dans ce contexte douloureux, l’Église tout entière est appelée à reconnaître le poids d’une culture imprégnée de cléricalisme, héritage de son histoire, et avec pour conséquences des formes d’exercice de l’autorité sur lesquelles se greffent différents types d’abus (de pouvoir, économiques, de conscience, sexuels). « Une conversion de l’agir ecclésial sans la participation active de toutes les composantes du Peuple de Dieu » (6) est impensable, estime François, qui suggère que nous demandions ensemble au Seigneur « la grâce de la conversion et l’onction intérieure pour pouvoir exprimer, devant ces crimes d’abus, notre compassion et notre décision de lutter avec courage » (7).

7. En dépit de ces infidélités, l’Esprit continue à agir dans l’histoire et à manifester sa puissance vivifiante. C’est précisément dans les sillons creusés par les souffrances en tout genre endurées par la famille humaine et par le Peuple de Dieu que de nouveaux langages de la foi sont en train de germer, ainsi que de nouveaux parcours capables non seulement d’interpréter les événements d’un point de vue théologal, mais de trouver dans l’épreuve les raisons pour refonder le chemin de la vie chrétienne et ecclésiale. (…)
Le désir des jeunes d’agir à l’intérieur de l’Église et la demande d’une plus grande valorisation des femmes trouvent également une confirmation, ainsi que leur requête d’espace de participation à la mission de l’Église, déjà signalé par les Assemblées synodales de 2018 et de 2019. (…)

Si, d’une part, une mentalité sécularisée domine et tend à expulser la religion de l’espace public, de l’autre, un intégrisme religieux qui ne respecte pas la liberté d’autrui alimente des formes d’intolérance et de violence qui se reflètent aussi dans la communauté chrétienne et dans ses rapports avec la société. Il n’est pas rare de voir les chrétiens adopter les mêmes attitudes, fomentant aussi les divisions et les oppositions jusque dans l’Église. (…) de l’expression « marcher ensemble » et les possibilités concrètes de le réaliser.(…) L’Église est appelée à se renouveler sous l’action de l’Esprit et grâce à l’écoute de la Parole. (…) Le choix de « marcher ensemble » est un signe prophétique pour une famille humaine qui a besoin d’un projet commun, en mesure de rechercher le bien de tous. Une Église capable de communion et de fraternité, de participation et de solidarité, dans la fidélité à ce qu’elle annonce, pourra se placer aux côtés des pauvres et des plus petits et leur prêter sa voix. Pour « marcher ensemble », il est nécessaire que nous laissions l’Esprit forger en nous une mentalité vraiment synodale, en entrant avec courage et avec une liberté de cœur dans un processus de conversion sans lequel cette « réforme continue dont elle [l’Église] a toujours besoin en tant qu’institution humaine et terrestre » (Unitatis redintegratio, n. 6 ; cf. Evangelii gaudium,n. 26) ne sera pas possible. (…)

Les pasteurs ne craignent donc pas de se mettre à l’écoute du Troupeau qui leur est confié : la consultation du Peuple de Dieu n’entraine pas que l’on se comporte à l’intérieur de l’Église selon des dynamiques propres à la démocratie, basées sur le principe de la majorité, car à la base de la participation à tout processus synodal se trouve la passion partagée pour la mission commune de l’évangélisation et non pas la représentation d’intérêts en conflit. Pratiquer la synodalité est, aujourd’hui, pour l’Église, la façon la plus évidente d’être « sacrement universel de salut » (Lumen gentium, n. 48), « signe et instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Lumen gentium, n. 1).

En relisant le passage des Actes des Apôtres, où Pierre va à la rencontre de Corneille sous la conduite de l’Esprit, François indique qu’il attend une véritable conversion, le passage douloureux et immensément fécond d’une sortie de ses propres catégories culturelles et religieuses. Pierre accepte de manger avec les païens la nourriture qu’il avait toujours considérée jusque-là comme interdite, la reconnaissant comme un instrument de vie et de communion avec Dieu et avec les autres. C’est dans la rencontre avec les personnes, en les accueillant, en cheminant avec elles et en entrant dans leurs maisons, qu’il se rend compte de la signification de sa vision : aucun être humain n’est indigne aux yeux de Dieu et la différence instituée par l’élection n’est pas une préférence exclusive, mais un service et un témoignage d’une ampleur universelle.

La synodalité est au service de la mission de l’Église, à laquelle tous ses membres sont appelés à participer. Puisque nous sommes tous des disciples missionnaires, de quelle manière chaque baptisé est-il convoqué à être un acteur de la mission ? Comment la communauté soutient-elle ses membres qui sont engagés dans un service au sein de la société (engagement social et politique, engagement dans la recherche scientifique et dans l’enseignement, au service de la promotion des droits humains et de la sauvegarde de la Maison commune, etc.) ? Comment la communauté aide-t-elle à vivre ces engagements dans une dynamique missionnaire ? Comment se fait le discernement concernant les choix missionnaires et qui y participe ?

Le dialogue est un chemin qui demande de la persévérance, et comporte aussi des moments de silences et de souffrances, mais qui est capable de recueillir l’expérience des personnes et des peuples. Quels sont les lieux et les modalités de dialogue au sein de notre Église particulière ? Comment sont gérées les divergences de vues, les conflits et les difficultés ? Comment l’Église dialogue-t-elle et apprend-elle d’autres instances de la société : le monde de la politique, de l’économie, de la culture, la société civile, les pauvres… ?

Une Église synodale est une Église de la participation et de la coresponsabilité. Comment sont définis les objectifs à poursuivre, la voie pour y parvenir et les pas à accomplir ? Comment est exercée l’autorité au sein de notre Église particulière ? Quelles sont les pratiques de travail en équipe et de coresponsabilité ? Comment sont encouragés les ministères laïcs et la prise de responsabilité de la part des fidèles ? Comment favorisons-nous la participation de tous aux décisions au sein de communautés structurées d’une manière hiérarchique ?

La spiritualité du « marcher ensemble » est appelée à devenir le principe éducatif de la formation humaine et chrétienne de la personne, la formation des familles et des communautés.

Enfin, il est d’une importance capitale d’écouter la voix des pauvres et des exclus et pas uniquement celle de ceux qui occupent un rôle ou une responsabilité au sein des Églises particulières.

Rappelons que le but du Synode, et donc de cette consultation, n’est pas de produire des documents, mais de « faire germer des rêves, susciter des prophéties et des visions, faire fleurir des espérances, stimuler la confiance, bander les blessures, tisser des relations, ressusciter une aube d’espérance, apprendre l’un de l’autre, et créer un imaginaire positif qui illumine les esprits, réchauffe les cœurs, redonne des forces aux mains ».

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