Dans son message pour la 54e Journée mondiale des communications sociales, sur le thème « “Afin que tu puisses raconter à ton fils et au fils de ton fils” (Ex. 10, 2). La vie se fait Histoire », le Pape se concentre sur le sens et la valeur du récit. Il formule une exhortation, plus urgente que jamais y compris pour le monde catholique : surmonter la tentation des histoires destructrices....
François : au lieu d’histoires fausses et destructrices, raconter le bien qui unit
Les histoires « peuvent nous aider à comprendre et à dire qui nous sommes » car « l’homme est un narrateur » qui a besoin de « “se revêtir” d’histoires pour protéger sa vie ». Le pape François le souligne dans son message pour cette Journée mondiale des communications sociales, publié ce 24 janvier, en la mémoire de Saint François de Sales, patron des journalistes.
Un message qui ouvre cependant à un horizon beaucoup plus large que la profession de journaliste, comme François nous y a habitués depuis son premier message pour les communications sociales, celui de 2014, où il établissait un lien idéal entre la figure évangélique du bon samaritain et la mission menée aujourd’hui par les « bons communicants ». À une époque marquée par l’utilisation instrumentale et clivant du mot “maladie”, dont le monde catholique n’est malheureusement pas à l’abri, le Pape nous rappelle que la communication est authentique si elle construit, et non si elle détruit. Si elle est « humble » dans la « recherche de la vérité », comme il le soulignait lors de l’audience de mai dernier aux journalistes de l’Association de la presse étrangère. Et face à la diffusion d’histoires « fausses et mauvaises » - jusqu’à l’aberration sophistiquée du deepfake - le Pape encourage la narration à parler « de nous et de la beauté qui nous habite » en aidant à « retrouver des racines et la force d’aller de l’avant ensemble ». Nous avons besoin, et c’est l’exhortation de François, « de respirer la vérité des bons récits ».
L’Écriture Sainte, le « Récit des récits »
Le message mentionne le storytelling, une technique de plus en plus en vogue dans divers domaines, de la publicité à la politique, mais l’histoire à laquelle pense le Saint-Père ne suit pas une logique mondaine. Elle a une valeur plus profonde qui fait « mémoire de ce que nous sommes aux yeux de Dieu ». Par ailleurs, une indication révélatrice de ce que le Pape considère comme un modèle de narration provient déjà du thème choisi pour ce message : « “Afin que tu puisses raconter à ton fils et au fils de ton fils” (Ex. 10, 2). La vie se fait Histoire ». L’Écriture Sainte, note le Souverain Pontife, est « le Récit des récits » et la Bible nous montre « un Dieu qui est créateur et en même temps narrateur ». Plus précisément, « Dieu appelle les choses à la vie et, au sommet, il crée l’homme et la femme comme ses interlocuteurs libres, générateurs de récits avec lui ».
À quelques jours de la célébration du premier dimanche de la Parole de Dieu, instituée par la lettre apostolique Aperuit Illis, François nous invite donc, par ce message, à nous rapprocher de la Sainte Ecriture, à la faire nôtre, en nous rappelant que « la Bible est la grande histoire d’amour entre Dieu et l’humanité ». D’autre part, comme nous l’enseigne le Livre de l’Exode - dont est issu le thème du message - nous apprenons que « la connaissance de Dieu se transmet avant tout en racontant, de génération en génération, comment il continue à être présent ».
La tentation des récits faux et mauvais
Une partie importante du document est consacrée aux « récits destructeurs » qu’il décrit avec des mots rappelant les homélies de Sainte Marthe. Une fois de plus - comme déjà dans le message de l’édition 2018, consacré au phénomène des fake news - François met en garde contre la tentation du serpent, racontée dans le Livre de la Genèse, qui « insère dans la trame du récit un nœud difficile à défaire ». Le Pape dénonce ces histoires qui « nous intoxiquent, en nous persuadant que, pour être heureux, nous aurions constamment besoin d’avoir, de posséder, de consommer ». Et, reprenant un thème qui lui est cher, il stigmatise l’avidité des « tapages et des commérages » dont on ne s’aperçoit guère, ainsi que la « violence » et la « fausseté » que « nous consommons tant ». La conséquence ultime est la diffusion de « récits destructeurs et offensants », « détruisant et brisant les fils fragiles de la cohabitation ». La dignité humaine est en danger, car elle est dépouillée par la combinaison d’« informations non vérifiées » avec la répétition de « discours insignifiants et faussement persuasifs » qui blessent avec des « propos de haine ». Face à tout cela, le Saint-Père demande de réagir avec « courage », afin de rejeter de telles menaces. Dans un monde qui subit tant d’« afflictions », François espère que nous pourrons remettre « en lumière la vérité de ce que nous sommes, jusque dans l’héroïsme ignoré de la vie quotidienne » [1].
Aucune histoire humaine n’est insignifiante aux yeux de Dieu
Le Pape tourne enfin son attention vers l’histoire de Jésus, qui montre comment Dieu a pris l’homme à cœur et que pour Lui « il n’y a pas d’histoires humaines insignifiantes ou petites ». « Par l’œuvre de l’Esprit Saint, chaque histoire, même la plus oubliée, même celle qui semble écrite sur les lignes les plus tordues, peut devenir inspirée, peut renaître comme un chef-d’œuvre, en devenant un prolongement de l’Évangile », ajoute-t-il. Il cite quelques histoires qui ont « admirablement mis en scène la rencontre entre la liberté de Dieu et celle de l’homme », des Confessions de saint Augustin aux Frères Karamazov. Il nous invite à lire les histoires des saints et à partager ces « histoires qui ont une odeur d’Évangile », que chacun d’entre nous connaît. « Raconter à Dieu notre histoire n’est jamais inutile », souligne François, car « personne n’est un figurant sur la scène mondiale et l’histoire de chacun est ouverte à un possible changement ». C’est pourquoi, note-t-il, « même lorsque nous racontons le mal, nous pouvons apprendre à laisser de l’espace à la rédemption », nous pouvons reconnaître le bien et « lui faire de la place ». Le message se termine par une prière à Marie, pour qu’elle puisse écouter nos histoires, pour qu’elle puisse les garder. Rappelant une image chère à François et également présente dans la maison de Sainte Marthe, cette prière demande à la Vierge de dénouer « les nœuds dans lesquels notre vie s’est emmêlée », et de nous aider à « édifier des histoires de paix, des histoires d’avenir ».
Notes :
[1] Nous avons besoin de patience et de discernement pour redécouvrir des récits qui nous aident à ne pas perdre le fil au milieu des nombreuses afflictions d’aujourd’hui ; des récits qui remettent en lumière la vérité de ce que nous sommes, jusque dans l’héroïsme ignoré de la vie quotidienne.