Dans sa récente réflexion sur la fraternité, le Pape François a identifié 3 défis spécifiques liés au nouvel environnement de la communication. Il a ainsi lié la fraternité à notre capacité d’apporter des réponses à au moins trois questions :
– Comment rappeler que la capacité de tout voir, l’hyper-surveillance nous isole plus qu’elle ne nous rapproche vraiment ?
– Comment comprendre que la puissance des connexions numériques ne peut jamais remplacer une vraie rencontre ?
– Comment élaborer une éthique liée à la puissance de production et de diffusion de l’information ?
Ecoutons le Pape François éclairer chacune de ces trois questions :
1/ Oui, la capacité de l’hyper-surveillance technique nous isole plus qu’elle ne nous rapproche vraiment. Le Pape écrit ainsi : « Alors même que s’accroissent des attitudes de repli sur soi et d’intolérance qui nous amènent à nous fermer aux autres, les distances se raccourcissent ou disparaissent au point que le droit à la vie privée n’existe plus. Tout devient une sorte de spectacle qui peut être espionné, surveillé et la vie est soumise à un contrôle constant. Dans la communication numérique, on veut tout montrer et chaque personne devient l’objet de regards qui fouinent, déshabillent et divulguent, souvent de manière anonyme ». (FTn°42)
Les technologies accroissent un repli et une défiance alors même que nous sommes de plus en plus pris par une sorte de pulsion de tout voir et tout savoir. Ainsi, davantage d’informations ne signifie pas nécessairement plus d’empathie. L’information permanente peut plonger dans un sentiment d’impuissance face à des drames, et peut, à la longue, susciter l’indifférence ou le désespoir.
2/ Oui, la puissance des connexions numériques ne peut jamais remplacer une vraie rencontre.
Ainsi le Pape François explique que « les médias numériques peuvent exposer au risque de dépendance, d’isolement et de perte progressive de contact avec la réalité concrète, entravant ainsi le développement d’authentiques relations interpersonnelles [1] ». Des gestes physiques, des expressions du visage, des silences, le langage corporel, voire du parfum, le tremblement des mains, le rougissement, la transpiration sont nécessaires, car tout cela parle et fait partie de la communication humaine. Les relations virtuelles, qui dispensent de l’effort de cultiver une amitié, une réciprocité stable ou même un consensus se renforçant à la faveur du temps, ne sont sociales qu’en apparence. Elles ne construisent pas vraiment un ‘‘nous’’ mais d’ordinaire dissimulent et amplifient le même individualisme qui se manifeste dans la xénophobie et le mépris des faibles. « La connexion numérique ne suffit pas pour construire des ponts, elle ne suffit pas pour unir l’humanité ». (FTn°43)
3/ Enfin, François évoque sans frein les ressorts économiques de l’industrie de l’information numérique. Oui, il faut une nouvelle éthique liée à la puissance de production et de diffusion de l’information. François explique qu’« on ne peut pas ignorer que « de gigantesques intérêts économiques opèrent dans le monde numérique. Ils sont capables de mettre en place des formes de contrôle aussi subtiles qu’envahissantes, créant des mécanismes de manipulation des consciences et des processus démocratiques. Le fonctionnement de nombreuses plates-formes finit toujours par favoriser la rencontre entre les personnes qui pensent d’une même façon, empêchant de faire se confronter les différences. Ces circuits fermés facilitent la diffusion de fausses informations et de fausses nouvelles, fomentant les préjugés et la haine [2] ». (FTn°45)
François propose donc 3 leviers de fraternité dans nos sociétés riches des technologies de l’information : nous rapprocher pour vaincre l’anonymat, nous rencontrer pour édifier une vraie société, nous respecter en préservant les différences et le respect des consciences.