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La mort administrée ou la société défigurée

Alors que débutent dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, les débats parlementaires sur le projet de loi ouvrant le droit à l’euthanasie et au suicide assisté en France, il est essentiel de comprendre les effets d’un tel séisme sur notre société. Quand bien même, le Premier ministre Gabriel Attal a indiqué que le gouvernement souhaitait s’opposer à la version du projet de loi issue de son examen en commission, il ne faut pas perdre de vue le caractère déjà si transgressif de la version initiale du projet de loi du gouvernement. Il y a en effet une sorte de rhétorique tactique à se prévaloir de défendre un cadrage éthique supposément recevable, quand on a soi-même été à l’origine d’un projet de loi dont les effets sur la société seront désastreux. Rien en effet ne sera plus contraire à la fraternité sociale que la légalisation de l’euthanasie.
C’est ce que déclarait Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d’Etat, sur les ondes de Radio Classique : « … il y a un parti pris délibéré d’occultation des conséquences économiques de l’euthanasie et du suicide assisté. On ne veut pas dire et pourtant cela existe, que cette réforme est de nature à engendrer et notamment avec la levée progressive des verrous, des économies tout à fait substantielles à la fois sur le dispositif d’assurance maladie mais au-delà sur le financement de la dépendance, voire marginalement ou sur le financement des services de soins palliatifs. (…) Je pense qu’aujourd’hui, il y a une exaltation de l’autodétermination de la personne, de la liberté individuelle. Nous pensons la société en termes uniquement de liberté. Or faire société, ça n’est pas ça. Faire société, c’est assumer une interdépendance, une solidarité. Nous formons ensemble une communauté de vie et de destin. (…) Il est anormal que les pauvres et les plus démunis soient les principaux bénéficiaires de la législation sur l’euthanasie dans tous les pays. (…) Le projet de loi exprime en creux la fascination de notre société pour la toute-puissance, la performance, l’autosuffisance, l’utilité individuelle. Ce projet de loi nous montre qu’il y a des vies qui valent d’être vécues et des vies qui ne valent plus d’être vécues. Et pour ma part, je pense que la vie d’une personne fragile vulnérable, atteinte de multiples maux, vaut d’être vécue contrairement à ce que le corps social pense. »

Dans une remarquable vidéo « Votre vie est nulle ? Macron vous propose de mourir », Léo expose clairement ces enjeux. Voici la conclusion de son propos :

« Mettez-vous bien en tête que quand la structure sociale exerce une violence sociale, cette violence est intériorisée par la population qui finit par considérer qu’elle va de soi, qu’elle est normale que c’est « ok » de laisser les malades… Là est tout l’enjeu qui se cache derrière ce projet de loi sur la fin de vie. Alors que toutes les structures qui tiennent nos valeurs de solidarité et d’égalité sont détruites par les politiques néolibérales, est-ce qu’on veut vraiment aller encore plus loin ?
Est-ce qu’on veut vraiment enraciner dans la loi, notre indifférence au sort des autres ?
Oui le gouvernement nous vend des soins palliatifs qui iront avec la loi mais on sait très bien qu’ils vont manquer de moyens parce que de toute façon, l’hôpital et l’accompagnement des plus fragiles manquent de moyens. Et plutôt que de donner un nouveau souffle de solidarité à notre société pour faire face à ce problème, on nous propose le droit de se suicider sans se rater ! Alors bien sûr que ce droit sera une nouvelle liberté pour certains et certainement un moyen d’échapper à la souffrance d’une maladie incurable, … mais pour les autres pour ceux qui sont ballottés par les violences structurelles de notre société, est-ce que cette loi ne serait pas une nouvelle menace, une porte de sortie vers laquelle ils finiront par être poussés, et qui s’avérera peut-être bien commode pour équilibrer les comptes sociaux ?

Oui mourir dans la dignité est important et cela devrait être un droit, mais est-ce qu’avant de légiférer sur la mort digne ce ne serait pas plus intéressant et surtout plus urgent de permettre à tout le monde d’accéder à la vie digne ? »

« Légaliser l’euthanasie, c’est suggérer que nos vies parce qu’elles sont limitées physiquement et souvent douloureuses sont un poids inutile et nous refusons la légalisation d’un droit de mourir à la demande parce qu’il finira par s’imposer à nous comme un devoir de mourir. Nous refusons une civilisation des forts qui s’autorisent à supprimer le fragile, le faible, le vulnérable qui est la part la plus humaine de chacun d’entre nous. Nous voulons être pris en compte et entendus au cours des débats concernant des lois dont nous serons les premières victimes. Nous voulons que soit respecté notre droit de vivre, de vivre jusqu’au bout à vos côtés. »
« Quand nous souffrons, rassurez-nous soulagez-nous, retenez-nous  »

Tribune collective
110 personnes handicapées malades où âgées s’opposent à la légalisation de l’euthanasie.


Père Laurent Stalla-Bourdillon

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