La tradition biblique est plus riche que nous ne le pensons. Elle permet de prendre le recul nécessaire pour assumer les invariants humains et les révolutions sociales induites par le développement technique. Elle révèle notamment le caractère poétique de l’existence humaine, au sens ou la nature spécifiquement humaine se développe ou mieux, se fait dans le « verbe ».
Si l’on désire résister à l’effacement de la vie de l’esprit sous la pression du numérique qui la capte, la sature et l’enferme dans un nominalisme individualiste, il faut avoir des principes solides, des convictions héritées d’une source sûre. En matière religieuse, une telle source s’appelle la Révélation divine. La possibilité que l’esprit humain soit enrichi d’une connaissance sur lui-même qui ne procède pas de sa seule déduction, mais réponde d’une logique plus ample incluant la catégorie d’un « inconnaissable par l’esprit humain ». La confiance est alors constitutive de l’acte de connaissance. Il s’agit aujourd’hui de comprendre plus profondément en quoi l’anthropologie révélée ou anthropologie biblique, contient un humanisme universaliste, capable d’assumer le fait numérique et de contrer la fragmentation sociale qu’il génère.
Le propre de l’humain est et sera toujours de concevoir en lui, par le verbe, le monde qui l’environne. Le « verbe » est ainsi constitutif de la nature humaine, tout autant sinon davantage encore que la matérialité de son être corporel. En toute personne se tient une parole qui la tient en vie, si bien qu’en matière d’humanité, la vie est dans le verbe plus encore qu’elle n’est dans la seule biologie. Or, ce verbe, ce logos intime et personnel est toujours en genèse, toujours en développement. L’idée que nous nous faisons de l’existence reste en perpétuelle transformation. Ce faisant nous attestons par expérience de notre continuel inachèvement, jusqu’à ce qu’une parole définitive se forme en nous. Précisément, cette parole ultime et indéformable est devant nous. Elle marquera pour chacun le terme définitif de notre conception.
L’environnement physique naturel qui nous accueille et l’environnement technique né de nos capacités créatrices sont au service de la croissance en chacun d’entre nous du « verbe » par lequel la vie prend sens. Nous savons pour une part que nous sommes, ce que nous disons que nous sommes. Mais cette vérité subjective n’est pas encore le dernier mot au sujet de notre nature et de notre personne. Le propre de l’humain reste donc d’être tendu vers ou dans l’attente de voir ce verbe intime et personnel coïncider, autant que cela soit envisageable, avec la Raison de toute chose, qu’on nomme en terme religieux, le Verbe divin, ou la Raison Créatrice. Car après tout, notre propre raison se confronte sans cesse à la raison des choses, à moins que nous ayons abdiqué la possible rationalité de l’existence et consenti à l’absurdité du monde.
Cette brève réflexion suggère qu’il n’est pas absurde précisément, de concevoir qu’il puisse exister une source fiable permettant à l’humanité d’accéder à une connaissance certaine, exhaustive et définitive du sens de l’existence. C’est là assurément un pas dans la foi, où l’ouverture de la conscience à l’inconnu. C’est aussi la signification de la fête de Noël, où le Verbe divin se fait chair en Jésus. Ainsi en cet enfant, toute personne peut recevoir la révélation du mystère de sa propre existence et de son terme bienheureux.
Heureuses et belles fêtes de Noël !