A l’heure des représailles militaires de l’Etat d’Israël à l’attaque inouïe du Hamas, beaucoup se demandent si les habitants de la bande de Gaza sont responsables ? Les innocents payent toujours le prix exorbitant de l’absurdité de la guerre. La mort de civils à Gaza fait craindre un embrasement régional. Ces innocents, femmes, enfants et vieillards sont des victimes, les seules que certains voudraient voir. Comment oublier les massacres du Hamas, véritable armée destinée à l’élimination des juifs ? Le cycle de violence dure depuis des dizaines d’années et semble inextricable. Mais cette question douloureuse, est-elle bien celle que pose l’attaque du Hamas ?
Par son attaque, le 7 octobre 2023, les commandos du Hamas ont mis Israël en état de guerre. Plus de mille quatre cents personnes ont été massacrées, la plupart étant des civils désarmés, des bébés, des vieillards et des otages ont été emmenés à Gaza.
Derrière cette barbarie, l’existence même d’Israël est en jeu. Peu de commentateurs décryptent cette réalité. Le mouvement islamiste qui a nidifié à Gaza, nourri par les régimes islamiques ouvertement antisémites de la région, veulent éliminer l’Etat d’Israël et les juifs partout dans le monde. Drapé de la cause palestinienne, ce terrorisme islamiste entraîne dans le chaos tous les habitants de Gaza. Cette nouvelle guerre est une énième réplique dans notre modernité surarmée, d’une conflictualité avant tout religieuse. En effet, derrière les identités juives, palestiniennes et musulmanes se cache un rapport à la transcendance divine, à la souveraineté de Dieu et au primat de ses lieutenants.
Il faut faire l’effort de distinguer les critiques de la politique actuelle de l’Etat d’Israël d’une haine pluriséculaire contre les juifs dans une expression intransigeante d’Islam. A-t-on oublié que la haine des juifs est un sentiment répandu bien avant ce que montre toute l’actualité de la vie du Moyen-Orient ? La conduite politique de l’Etat d’Israël, si contestable et contestée depuis des décennies, sert facilement de prétexte pour expliquer la colère des Palestiniens, alors que les juifs sont honnis depuis bien avant la naissance de cet Etat. Leur sort apparaît déjà réglé dans une lecture fondamentaliste de la parole dite « incréée » du Coran, comme le sort des chrétiens et des pays sécularisés en général. Deux niveaux d’analyses se superposent.
Il faut le proclamer ouvertement : la haine contre des juifs est ici en cause. Cette haine dont l’hebdomadaire Le Point fait sa page de couverture. Le magazine a vu juste : c’est la volonté sourde de faire disparaître Israël, tant comme Etat que comme peuple qui éclate au grand jour à travers la guerre déclenchée par le Hamas et ses milliers d’hommes ! La crise n’est plus seulement politique mais théologique et spirituelle ! C’est la permanence de l’identité juive qui est en jeu, comme une question posée à toute l’humanité !
Nous formons une seule famille humaine de 8 milliards de personnes. Elle compte 1,6 milliards de musulmans, 2,2 milliards de chrétiens et 16 millions de juifs. C’est l’origine de ce peuple et sa vocation prophétique au milieu des autres nations qui s’invitent au plan spirituel, dans cette effroyable tragédie.
Qui rappellera qu’une absolue nouveauté est survenue dans l’histoire avec le peuple juif ? Insoluble dans les autres peuples, il témoigne d’une relation à Dieu totalement inédite dans l’histoire. Il témoigne de la transcendance d’un Dieu qui librement fait alliance avec l’humanité et lui ouvre un avenir. S’est-on seulement demandé pourquoi des régimes islamiques cultivent de la haine contre les Juifs ? Pourquoi sinon pour lui contester sa transcendance divine ? En arrière-fond de la haine des juifs, apparaît une concurrence des transcendances, une concurrence de légitimité pour parler au nom du Tout Puissant. Le Coran n’existerait pas sans la présence des juifs et des chrétiens, témoins de la promesse faite à Abraham de la venue du Messie. Messie attendu pour les uns, et crucifié et ressuscité pour les autres. Juifs et chrétiens portent ensemble le sceau de cette Alliance. La compréhension chrétienne de l’histoire du salut permet de proposer une explication de la concurrence mortifère qui se déroule sous nos yeux. La haine des juifs se révèle une haine - même inconsciente - contre ce Dieu qui vient à l’homme et une haine contre l’humanité appelée à entrer en Alliance avec le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, et à partager sa vie. La haine islamiste des Juifs entend imposer une autre relation soumettant l’humanité à l’obéissance stricte de préceptes. C’est la haine d’un Dieu proche, un Dieu « Père céleste » qui révulse et inspire l’idéologie islamiste. Cette incarnation d’un Dieu qui se donne dans l’Alliance semble insupportable tant dans les personnes qui portent son Nom, que dans un Etat qui les réunit.
L’Etat d’Israël ne veut pas seulement défaire l’hydre terroriste, il veut continuer à exister. Exister pour que le peuple perpétue aussi le témoignage de la promesse. Il y avait 15 millions de juifs dans le monde en 1900. Ils sont 16 millions aujourd’hui, quand l’humanité est passée dans le même temps de 1,6 milliards à 8 milliards.
Ce que l’identité juive porte dans le monde et pour le monde est absolument unique et incomparable. Il a fallu des siècles à l’Eglise catholique pour le comprendre. La dimension politique du conflit au Proche-Orient est donc sous tendue par une dimension religieuse qui échappe à nos schémas. Trop peu de personnes intègrent ces ressorts théologico-politiques qui ont été et demeurent le levier le plus puissant de tout engagement à la vie à la mort. L’Eglise catholique le sait pourtant ! Elle sait dans son âme que le peuple juif est un don de Dieu au monde. Elle sait distinguer l’identité religieuse du peuple millénaire béni de Dieu, de la politique de l’Etat d’Israël, comme elle sait distinguer la quête spirituelle des musulmans d’un islam politique aveuglé par son idéal dominateur, caricatural et archaïque.
En Israël, en France, en Europe et dans le monde, l’islamisme terroriste est un danger redoutable. Il vise les pays occidentaux, leur culture, leur démocratie, leur liberté. Il appartient à tous ceux qui se réclament d’un universalisme humaniste, aux artisans de paix juifs, chrétiens et musulmans, aux défenseurs de la démocratie, de prendre les moyens d’opposer la culture à la barbarie, le glaive de la justice à la force sanguinaire de la violence, et surtout l’amour à la haine.
« Les doux posséderont la terre et jouiront d’une abondante paix. » Psaume 36,11
Puissent tous les fidèles catholiques de France adresser leur soutien et leur amitié au Grand Rabbin de France, à la communauté juive de France et à tous les amis d’Israël. Puissent-ils partager la peine immense du pays et la douleur des familles endeuillées par les attaques sanglantes du Hamas. Puissent-ils implorer la consolation divine pour tous les rescapés de cette tragédie. Puissent-ils enfin invoquer sur tous les morts juifs et palestiniens, sur les familles juives et palestiniennes traumatisées par la guerre, la tendresse de Dieu. Tendresse d’un Dieu qui ne nous reconnaît qu’ensemble, qui ne nous connaît que dans notre commune nature humaine, formant une seule famille humaine. Le terrorisme est toujours un échec et une impasse. La guerre ruine l’avenir de ceux qui la promeuvent et de ceux qui la subissent.
Les chrétiens sont appelés à témoigner un même amour pour tous, juifs et palestiniens. Ils portent l’espérance qu’un avenir de paix est possible. Ils prient pour que juifs et musulmans se parlent et sortent de la spirale du mépris. La famille humaine doit chercher les voies qui feront taire les armes. Elles détruisent son bien le plus précieux : son unité. Avec le Pape François, croyons que « chaque violence commise contre un être humain est une blessure dans la chair de l’humanité ; chaque mort violente nous diminue en tant que personnes. […] La violence engendre la violence, la haine engendre plus de haine et la mort plus de mort. Nous devons briser cette chaîne qui paraît inéluctable ». FT27
Ces éclairages théologiques ne résoudront pas les drames, l’effroi et la tristesse que vivent aujourd’hui tous ceux qui connaissent le bruit des bombes, mais ils peuvent nous aider à discerner les chemins de rencontres. Il n’y a d’avenir et de paix en Israël et pour l’humanité que dans la fraternité entre les peuples. La fraternité naît aussi du partage d’horizons communs aux hommes durant leur séjour terrestre avant de paraître devant Dieu. Les difficultés des prochaines semaines, toutes insurmontables qu’elles semblent, ne doivent pas faire renoncer à rêver un avenir de réconciliation. Il appartient à tous les disciples du Christ et à toutes les personnes de bonne volonté, ici et partout, de vouloir la paix et d’y œuvrer chaque jour sans relâche pour que la connaissance de l’amour dont Dieu nous aime, détruise en nous toute haine jusqu’en ses racines.
« Appelez le bonheur sur Jérusalem : « Paix à ceux qui t’aiment !
Que la paix règne dans tes murs, le bonheur dans tes palais ! »
A cause de mes frères et de mes proches, je dirai : « Paix sur toi ! »
A cause de la maison du Seigneur notre Dieu, je désire ton bien. »
Psaume 121,6-9