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Ce que nos habits révèlent des pensées qui nous habitent

La succession de querelles en France concernant les vêtements identifiants les personnes de confessions musulmanes, supposées ou véritablement fondamentalistes, traduit un trouble. Plus exactement, elles mettent en lumière un interdit majeur et inavoué pour notre époque où la raison et la foi n’entrent plus dans la juste résonnance de leur apport réciproque. Cet interdit s’énonce dans une question : « de quelle vérité, l’être humain doit-il se revêtir ? »
En effet, tout vêtement est la traduction d’une pensée qui habite l’esprit. Le vêtement est le signe visible d’une pensée invisible qui fortifie l’esprit, qui l’habite et donc l’habille. Le vêtement que nous portons traduit, à nos yeux et au regard des autres, ce qui habite notre esprit. Entre l’habit que notre corps habite, et les pensées qui nous habitent, il y a un rapport d’analogie que nous percevons parfaitement bien et c’est cela précisément qui nous préoccupe tant.
Ainsi la France est-elle en difficulté face aux pensées qui habitent l’esprit de certains jeunes, se traduisant par modes vestimentaires jugées incompatibles avec ce que tolère l’ordre de la République.

Notre époque touche au paroxysme de la crise entre la raison et la foi. La raison contemporaine s’est peu à peu anémiée en s’éloignant des sources de la philosophie (en tant que quête de la vérité) pour s’ériger en principe de normativité des pensées admissibles. Dieu n’est plus que l’objet d’une simple détermination humaine. « Si l’accomplissement du moi est compris en termes d’autonomie absolue, on arrive inévitablement à la négation de l’autre, ressenti comme un ennemi dont il faut se défendre. La société devient ainsi un ensemble d’individus placés les uns à côté des autres, mais sans liens réciproques : chacun veut s’affirmer indépendamment de l’autre, ou plutôt veut faire prévaloir ses propres intérêts » expliquait Jean-Paul II [1].

Notre société a fini par caricaturer les religions au point de les présenter comme des aberrations de la psyché et des archaïsmes rétrogrades. On les tolère encore au titre de l’héritage patrimonial et culturel, mais on les disqualifie dans leur volonté de contribuer à l’édification d’une société unie et solidaire. Benoit XVI avait remarquablement souligné que « la religion n’est pas une réalité à part de la société : au contraire elle en est une composante naturelle, qui rappelle constamment la dimension verticale, l’écoute de Dieu comme condition pour la recherche du bien commun, de la justice et de la réconciliation dans la vérité. La religion met l’homme en relation avec Dieu, Créateur et Père de tous, et pour cela elle est une force de paix. Les religions doivent toujours se purifier selon leur essence véritable pour correspondre à leur vraie mission. (…) Les grandes conquêtes de l’époque moderne, c’est-à-dire la reconnaissance et la garantie de la liberté de conscience, des droits humains, de la liberté de la science et donc d’une société libre, sont à confirmer et à développer en maintenant cependant la rationalité et la liberté ouvertes à leur fondement transcendant, pour éviter que ces conquêtes s’auto-annulent, comme nous devons malheureusement le constater en de nombreux cas. La qualité de la vie sociale et civile, la qualité de la démocratie dépendent en bonne partie de ce point « critique » qu’est la conscience, de la façon dont on l’entend et de tout ce qui est investi pour sa formation. Si la conscience, selon la pensée moderne prédominante, est réduite au domaine du subjectif, où sont reléguées la religion et la morale, la crise de l’Occident n’a pas de remède et l’Europe est destinée à la régression. Si au contraire la conscience est redécouverte comme lieu de l’écoute de la vérité et du bien, lieu de la responsabilité devant Dieu et devant les frères en humanité – qui est la force contre toute dictature – alors il y a de l’espérance pour l’avenir. [2] »

Ces paroles ont force de rappel prophétique pour sortir par le haut, par la dignité de la pensée et de la conscience, d’une spirale de tensions entre ce qui doit ou devrait habiter nos esprits et ce qui peut ou ne peut pas habiller nos corps.

Notes :

[1Jean-Paul II, Lettre encyclique, Evangelium vitae, 1995, n°19-20 »

[2Benoit XVI, 4 juin 2011, Zagreb, Voyage apostolique en Croatie


Père Laurent Stalla-Bourdillon

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