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Ce que la foi chrétienne dit de la mort du corps

1 – Le silence sur les morts et l’attente du monde d’après dans les médias

La pandémie du Covid-19 laisse dans son sillage des morts sur tous les continents. L’attention médiatique se porte chaque jour sur le virus plus que sur ses victimes. Le décalage va croissant entre ce que l’opinion éprouve sur cette terrible épreuve et son traitement médiatique par les chaines d’information à longueur de journée : la dimension sanitaire prime sur la réalité humaine si bien que l’on finit par se demander jusqu’où la lutte contre le virus détruira-t-elle l’environnement social ? L’évocation de la peine des familles et de la destinée des morts sont englouties sous une chape de silence. Chaque jour, le nombre de morts se réduit à un chiffre que l’on prendrait presque pour un score comparé à celui des autres pays. De la mort elle-même, il n’est pas possible de parler.
De ce qu’elle représente pour nous, il ne saurait être question.
Pourtant chacun est rappelé à l’exigence de devoir mourir un jour. Devant la réalité des décès, nul n’aura échappé à cette pensée. Avec ou sans virus, nous avons contracté une humanité mortelle. Mais sommes-nous pour autant autorisés à l’évoquer ? Pourquoi faudrait-il taire cette réalité si essentielle pour chacun de nous ? Comment a-t-on oublié à ce point qu’une société s’édifie lorsqu’elle fait corps pour affronter l’énigme de la mort de ses membres ? S’il n’y a plus de question au sujet de notre vulnérabilité, il n’y a plus de corps social. Notre unité vise toujours la protection du trésor fragile de chacune de nos vies et de l’environnement qui la rend possible.

Pourquoi dès lors nos systèmes d’information ont-ils tant de mal à honorer la dimension fragile et passagère de l’existence ? Pourquoi la mort est-elle l’objet d’une telle censure médiatique ? Le sérieux de la condition mortelle de l’homme ne semble pas avoir de place dans le traitement de l’information. D’où vient cette esquive de la question au fond la plus importante ? Comment avoir le minimum de considération pour une seule des vies dont on nous annonce la mort ? Reconnaissons que le sujet est difficile et grave. Il est commercialement peu rentable et contrevient aux codes du divertissement que l’information a adopté depuis des années.

Les médias en général se concentrent sur le confinement et ses objectifs. Du point de vue de l’attractivité éditoriale, le grand public et le personnel politique sont plus sensibles aux promesses des innovations technologiques qui bientôt « vont nous sauver ». Les parts d’audience se gagnent toujours sur les raisons d’espérer. Les professionnels de l’information voudront rassurer les Français en sollicitant des avis scientifiques et en déjouant les postures des responsables politiques.
Prédire le visage du monde qui vient assure le meilleur positionnement puisqu’il joue sur le besoin naturel de se projeter dans le futur. Connaître l’avenir et conjurer les épreuves sont deux des ressorts de l’attention les plus puissants. Ils en cachent cependant un troisième : dominer la mort. La voix médiatique joue cette partition des promesses du futur : quand allons-nous en avoir un vaccin ? Quand allons-nous sortir du confinement ? Quand la vie redeviendra-t-elle normale ? Jusqu’à quand allons-nous souffrir ? La parole médiatique appliquée au registre du temps renvoie en fait, à une réalité spirituelle très importante.

2 – Quand l’épreuve devient épiphanie de l’amour (3’48)

Nous la trouvons évoqué dans le dernier livre de la Bible, le livre de l’Apocalypse (6,10). Toute la dramatique du livre retentit dans cette question : « combien de temps va encore durer notre attente avant que ne paraisse la victoire de Dieu et de son Messie ? »
Qu’il s’agisse du confinement ou d’autres épreuves sur terre, nous sommes toujours dans l’attente d’un terme, toujours portés à considérer l’après, comme s’il était naturel que nous soyons déjà orientés vers un monde qui n’existe pas encore… un monde qui vient.
La réponse que donne le livre de l’Apocalypse ne consiste pas à préciser une durée de l’épreuve mais à proposer la consolation d’une vision. Il s’agit de recevoir en image cette réponse et de la concevoir intérieurement. C’est donc dans la vision de l’Agneau vainqueur que la réponse est donnée. C’est-à-dire de l’amour vainqueur, car l’Agneau est le symbole de l’amour qui se donne jusqu’au sacrifice de soi. Ainsi la question essentielle n’est pas de savoir combien de temps va durer l’épreuve mais de se savoir aimer. Il s’agit d’entrer dans la victoire de l’amour – remportée par l’Agneau - sur le mal et sur la mort. Telle est l’unique réponse pertinente à la souffrance humaine. A ceux qui demandent une échéance de temps, il sera répondu par un appel à se laisser aimer et à aimer. Nous en trouvons une parfaite illustration à travers la récente crise des personnes âgées isolées en établissements de santé. Ceux qui souhaitaient la fin du confinement pour pouvoir enfin rejoindre leurs parents âgés en maison de retraite n’attendaient pas la fin d’un temps, mais ils voulaient pouvoir partager l’ardeur d’aimer et peu importe si l’épreuve doit durer encore pourvu qu’ils puissent se communiquer leur amour.

Nous comprenons que l’épreuve appelle une épiphanie de l’amour, une manifestation de la confiance. Toute imminence de la mort est un appel à aimer, à se remettre à l’amour des autres, à l’amour de Dieu si l’on croit en lui. L’homme qui est mortel tous les jours, est appelé tous les jours à se remettre à l’amour. La vision de l’Agneau siégeant sur un trône (dans le livre de l’Apocalypse) indique que l’amour a déjà triomphé de la mort. Donner sa confiance à la puissance de l’amour reste la réponse la plus digne de l’homme lorsqu’il est dans l’épreuve et confronté à la mort.
La mort biologique peut bien emporter les corps, l’amour lui, emporte les personnes et remporte la victoire. A cette condition, nos morts ne sont pas des disparus, mais les nouveaux habitants du Royaume de l’amour à qui nous les avons confiés.
Alors si ce que nous disons de la destinée des morts, n’a pas sa place dans l’espace médiatique, elle l’a dans le cœur des gens qui savent rejoindre leurs défunts par l’amour. Quoique devenus invisibles à nos yeux par la perte du corps, pourquoi taire que nous les aimons ? Se seraient-ils volatilisés, engloutis dans le néant ? Le silence médiatique à leur sujet pourrait le laisser croire. Il prouve de manière évidente que nous sommes muets sur cette énigme.

3 – Pourquoi être né s’il faut mourir un jour ? (7’19)

Depuis quand la vie d’un homme se réduit-elle à son corps seulement ? Pourquoi la mort est-elle devenue un tabou pour notre société et frappée d’absurdité ? Deux logiques s’opposent alors : maitriser techniquement les vies pour éviter des morts ou bien sauver l’amour pour maintenir en vie.

Pourquoi donc devons-nous mourir ? Pourquoi sommes-nous nés s’il faut mourir un jour ? Ces questions fondamentales constituent notre patrimoine spirituel le plus commun. Répondre par la fatalité naturelle et la résignation, ne suffit pas ; il faut aller plus loin. En quoi la mort nous serait-elle malgré tout nécessaire ? Même si elle n’est jamais voulue ou souhaitable comme telle, se pourrait-il qu’elle nous apporte malgré tout quelque chose ?
Pour nos aïeux, il était acquis que la mort participait nécessairement à l’accomplissement de la vie. De la mortalité infantile à l’accompagnement des aînés jusqu’au terme de leur vie passée sous un même toit, il y avait une place pour la mort dans le quotidien des familles. En perdant de vue la mort, nous avons perdu la capacité d’en parler et de la situer dans un discours. Plus encore, nous avons perdu l’ensemble des rites qui permettaient d’indiquer que la mort avait sa place dans notre société, celle du passage vers un au-delà. Cette perspective paraît aujourd’hui trop hypothétique et trahit une croyance. « Nos sociétés ont tout fait pour bannir la mort de leurs horizons d’attente, elles se fondaient de manière croissante sur la puissance du numérique et les promesses de l’intelligence artificielle [1] » écrit l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau.

A l’aube du XIXème siècle, la mort réduite à un évènement simplement biologique cessa d’être le sommet de notre vie. Seule la science pouvait prétendre à la définition de la mort, tandis que le devenir des morts passait pour l’incongruité la plus ridicule.

Remarquons qu’il est possible à notre société de célébrer le courage des héros qui portent le service et l’amour à leur point d’abnégation et de sacrifice de soi… jusqu’à la mort. L’honneur rendu aux morts pour la Patrie est-il la garantie qu’ils ne sont plus vivants ou au contraire, sont-ils vivants parce qu’ils ont scellé dans leur mort la fécondité de l’amour ? Honorons-nous des morts ou des vivants ? « Il ne meurt pas celui qui sait pourquoi il meurt ».

L’œil médiatique ne rend compte que d’une partie du réel. Dans un monde d’hypervisibilité, de mise en images permanentes, la confusion s’accroit entre le visible et le réel. Or le visible conduit au réel mais ne se confond pas avec lui. L’œil ne peut voir l’amour vainqueur. Il faut le concevoir pour voir dans l’amour le sceau final posé sur toute vie. Une société court vers l’abîme, si l’amour n’est pas au commencement et au terme de la vie de ses membres. S’il faut mourir un jour, que ce soit au moins dans tes bras, dans ton amour ! Là où la science dit que « vivre, c’est ne pas mourir », le sage répond que « vivre, c’est demeurer dans la relation et l’amour jusqu’à la mort, qui sera engloutie dans les filets de notre amour ». L’expérience originelle du tout petit enfant que nous avons tous été, remis à l’amour de ceux qui nous ont accueilli en ce monde, demeure l’expérience fondatrice du sens de l’existence : nous dépendons de l’amour. De même au terme de la vie, dans notre ultime expiration, l’amour s’engouffre en nous et avec nous dans la mort … il va y libère son germe de vie.

4 – La victoire de la confiance en l’amour (11’20)

En retrouvant la dimension spirituelle de notre nature humaine, nous pouvons encourager tout un chacun à penser la mort, celle de ses proches et à s’approprier sa propre condition mortelle.
Il ne serait pas juste d’objecter le côté morbide de ce genre de pensées pour s’épargner le face-à-face avec l’énigme mystérieuse du terme de toute vie. Elle s’interpose sur notre route, barrant notre aspiration à la vie et au bonheur. Chacun mène un combat personnel et intérieur avec ce mystère, comme Jacob avec l’Ange. Nous ne mourrons pas tous du Covid-19, mais nous mourrons tous un jour et l’épidémie nous le rappelle discrètement. En quoi cette certitude de devoir mourir un jour, nous engage-t-elle à repenser le sens de la vie ? En quoi la pensée de la mort n’est-elle pas contraire à la découverte de la joie véritable ? En quoi est-elle-même nécessaire à la découverte du sens inouï de la vie ?

Il faudra demain beaucoup d’audace pour braver l’interdit d’évoquer ce sujet sur les ondes et les plateaux de télévisions, dans les hôpitaux et les écoles. Pour ne pas avoir peur de la mort, il faut encore en avoir conscience. Lorsque l’homme pense sa mort au regard du temps, alors paraît son humanité dans sa vraie grandeur. L’homme humble s’humanise non en défiant techniquement la mort mais en l’intégrant spirituellement. Il s’ouvre à l’au-delà seulement lorsqu’il est confronté à ses limites. Alors, il fait face à la rédemption.

Les chrétiens confient les morts au pouvoir de Dieu car la mort est déjà reçue de Lui, comprise comme un élément de notre relation à Lui et condition d’une vie nouvelle avec Lui. Son amour pour nous n’est pas empêché de nous rejoindre dans la mort même. Seul celui qui est radicalement dépendant (ainsi de tous les morts) est en mesure d’éprouver radicalement la puissance de relèvement de l’amour. Le passage par la mort apparaît alors comme une condition requise pour éprouver une nouvelle vie dont quelques fulgurances auront été des signes annonciateurs dès cette vie. Ce n’est donc pas pour rien que nous mourrons.

En un temps d’épidémie comme celui que nous connaissons, les chrétiens peuvent aider la société à affronter l’épreuve en dévoilant la raison de vivre et de mourir. Tous un jour, nous connaîtrons le dépouillement de tout ce que nous avons. Mais dans cet état de nudité terminale et en Jésus, notre filiation à l’amour nous est rendue, et en elle la vie nous est donnée. Les chrétiens confessent que la vie qui vient ne se réduit pas à un corps et un cœur qui palpite, mais qu’elle est déjà contenue dans l’amour dont nous sommes aimés. La parfaite connaissance de l’amour dont Dieu nous aime sera alors notre vie pour toujours. Si son amour pour nous est éternel, alors notre vie nouvelle sera l’éternelle et parfaite expression de son amour. Ce sera la joie pure d’un enfant porté par l’amour du Père, qui jamais ne le quitte.

Pourrons-nous alors concevoir, combien la promesse de la vie sans fin est déjà contenue dans notre corps biologique, et qu’elle n’est pas anéantie par sa mort ? Rien de tel n’est possible sans une relation de confiance et d’humble remise de soi, tel un nourrisson porté par sa mère. Désormais aucune mort ne saurait être comprise comme une pure perte ou une simple fin biologique. Elle est une entrée dans un champ nouveau d’existence. La mort du corps est plus une naissance qu’une disparition de la personne, même s’il ne nous est pas possible de voir le nouveau-né. Si celui qui meurt entre avec confiance dans l’amour qui l’attend, sa confiance sera pour lui le germe d’une vie nouvelle.

Ecoutons à ce sujet, ce qu’écrivait la philosophe Chantal Jacquet : « (…) Quoiqu’un corps vivant soit un condamné à mort en sursis, sa durée limitée n’invalide pas pour autant ses capacités. (…) Quand bien même le corps serait notre dernière demeure et n’aurait pas de postérité, une puissance indéfinie peut toujours se loger dans l’intervalle qui sépare la naissance de la mort et n’est pas invalidée parce que la vie a cessé. Il est des infinis insérés entre deux limites. La fin n’est pas donc nécessairement synonyme de finitude. (…) À l’instar du Léviathan, le corps est un dieu mortel, qu’il faut respecter comme tel. S’il est légitime de chercher à préserver sa beauté et sa santé, il est vain de rêver d’immortalité. C’est pourquoi le culte du corps aujourd’hui s’apparente parfois à une hérésie, où les fidèles adorent dans les cliniques et les gymnases un faux dieu, immortel phénix, plongé dans une fontaine perpétuelle de jouvence ou dans les glaces de la cryogénisation.
Pris dans ce mauvais infini du désir, le corps devient une puissance trompeuse à l’image de ces idoles adulées dont le destin est d’être brûlées.
Si la vieillesse devient une faute de goût et la mort un manque de savoir-vivre, le corps est nécessairement cette forme mal polie qu’il faut corriger au bistouri. La haine de la chair a plus d’un tour dans son sac (…).
Il arrive alors que le culte du corps soit l’envers d’un mépris qui s’ignore, et que le babil effréné des conseils pour le conserver ne soit que l’écho du silence séculaire qui a souvent prévalu à l’encontre de la chair. (…)
Le corps est un guide et un modèle de vie vraie. C’est sur ce dieu fragile, ce colosse aux pieds d’argile qu’il faut régler notre pensée.
 »

La mort n’est déjà plus un arrachement à la biologie si un consentement la prépare et l’ouvre à la rencontre de l’inattendu. Redisons-le, le christianisme n’enseigne pas d’abord la défaite de la mort, que la victoire de la confiance en l’amour. « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » dit Jésus, l’Agneau de Dieu, à l’heure d’expirer faisant ainsi entendre que sa filiation divine demeure sa vie dans la mort. C’est à la lumière de sa relation à son Père que Jésus entre dans l’obscurité de la tombe. C’est à la lumière de l’amour qui nous a si mystérieusement appelé à la vie qu’il convient de penser notre mort. Ici se trouve non l’immunité corporelle mais l’intégrité spirituelle. C’est elle que donne la grâce du baptême. Dieu, fontaine inépuisable d’amour, établit en nous sa demeure à mesure que se dilate notre confiance. La perspective de « la vie qui vient » ne réduit nullement la valeur du temps présent. Au contraire, elle stimule l’attention et la responsabilité dans l’accomplissement de notre propre vie et dans le soin que nous prenons de ce monde qui nous accueille. La perspective de « la vie qui vient » constituait pour les générations passées un adjuvant très puissant pour édifier un monde plus juste et fraternel. Bien que jamais achevé en ce monde, il trouve ses fondations dans l’aspiration à la vie éternelle présente dans le cœur de tous les hommes.

5 – La mort horizon commun qui nous unit les uns aux autres (19’02)

L’état spirituel des pays technologiquement avancés est marqué par l’oubli de l’importance de la vie spirituelle et de ce qu’elle augure pour chacun. Jadis l’Hôtel-Dieu soignait et relevait les corps malades, tandis que l’autel de la cathédrale fortifiait et rénovait les âmes. Aujourd’hui, il faut relever l’autel de la cathédrale, la table sainte où notre époque a besoin de se nourrir d’un pain de vie donnant vigueur à l’esprit. L’homme du XXIème siècle doit pouvoir répondre à la soif d’éternité qui s’éveille en lui. Il n’y aura jamais de honte à exprimer et partager sa quête de sens, car la mort nous est un horizon commun par lequel nous sommes déjà invinciblement unis les uns aux autres.

Chaque être humain né en ce monde est non seulement déjà assez vieux pour mourir mais il a en plus un destin de mortel. Cette réalité est inexplicable pour qui ne comprend pas les mutations du chemin qui mènent à la vie, dont la mort constitue paradoxalement la plus décisive des étapes. « Il faut que le Fils de l’homme meurt » répétera Jésus à ses disciples interloqués.

« Nous sommes si effrayés par la mort aujourd’hui, écrit le politologue Joshua Mitchell, que nous sommes prêts à tout, oui à tout, pour l’écarter » « même à renoncer à la civilisation que des centaines de générations qui sont venues avant nous (…) avaient construite, alors même qu’elles savaient qu’elles allaient mourir ».

S’interdire d’évoquer ce sujet dans les médias n’élimine en rien l’urgence d’y penser et de s’y préparer. Le temps contient déjà l’heure de notre mort, si bien qu’elle est concomitante à tout instant de notre quotidien. A la question de savoir jusqu’à quand devrons-nous tenir dans l’ignorance de notre dernier jour, jusqu’à quand devrons-nous souffrir de maux, il n’y a qu’une réponse digne de l’homme : l’amour est vainqueur ! Si nous nous laissons aimer et si nous aimons, le temps importe peu.

Puisque nous songeons déjà en pensées au monde nouveau qui viendra après le confinement, après la pandémie, pourquoi n’investissons-nous pas aussi cet au-delà du confinement terrestre, l’au-delà de la mort ? Comment se fait-il que nous n’habitions pas aussi la perspective de cette vie future à partir de la certitude que nous sommes ici de « passage » ? Comment se fait-il que nous soyons capables de nous investir dans un lendemain terrestre - présumé certain par la force de l’habitude-, sans parvenir à investir cet autre lendemain certain par nature ? Cela tient à un très fort préjugé culturel selon lequel nous ne pouvons pas exister sans notre corps, sans ce corps. Si bien que la mort signifie pour de nombreux esprits, l’abolition définitive de la personne. Elle ruine de facto toute pertinence d’investir en esprit, un monde qui viendrait dans la mort. A quoi bon...
Si la perte de ce corps est une nécessité, elle est aussi la condition de possibilité d’accueillir la vie qui vient. Il faudra du temps pour défaire une société du matérialisme qui a terni son anthropologie. Du temps pour redécouvrir ce qu’est la nature humaine, à la lumière de la révélation biblique et évangélique. Du temps pour croire que la chair va ressusciter de la mort par l’effet de l’amour dont Dieu nous aime. Ce que chacun croit à ce sujet, n’est pas sans valeur pour le dynamisme spirituel d’un pays. Nous gagnerions à partager notre perception d’un si grand mystère. Qu’avons-nous du reste de plus grand à partager que cette parole qui perce déjà l’obscurité du tombeau ?

6 – Au-delà du confinement terrestre (23’15)

En 2020, l’humanité conquérante aura été stoppée net dans l’hybris de ses conquêtes du monde extérieur. Elle est renvoyée à une conquête plus intérieure et plus essentielle : retrouver le chemin de la connaissance d’elle-même et de sa vocation. Elle le fera par la voie de la science ; une science ouverte à la philosophie, elle-même ouverte à la révélation. L’homme moderne qui traverse l’épreuve de la pandémie de Covid-19 peut découvrir sa véritable nature en s’approchant de la personne de Jésus mort et ressuscité. C’est en appliquant sa pensée à concevoir le sens de sa vie, que l’homme remporte sa première victoire contre l’absurdité de la mort. Le meilleur de la contribution des chrétiens au monde qui vient sera de rappeler que si la mort peut emporter les corps, elle ne peut rien contre la parole qui se tient en l’homme et le tient en vie, maintenant et toujours.


Père Laurent Stalla-Bourdillon

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