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Démographie mondiale et démographie religieuse : repères et enjeux

À l’occasion de la Journée mondiale des missions, l’Agence Fides a publié les statistiques mondiales de l’Église catholique pour 2023. Certes, ces chiffres accusent le léger décalage inévitable du temps nécessaire à leur collecte, mais ils demeurent d’une valeur inestimable pour comprendre les grands équilibres religieux et démographiques de notre monde. Nous vous proposons ici une mise à jour éclairante, pour mieux saisir les défis et les promesses de notre époque.
Pendant des siècles, la population mondiale est restée presque stable : les naissances compensaient tout juste les décès. En 1900, la population mondiale comptait 1,7 milliard de personnes. Les épidémies, les famines et la très forte mortalité infantile limitaient l’espérance de vie. Pour maintenir la population, chaque femme devait donner naissance à environ six enfants. Il y a deux siècles, un bouleversement sans précédent s’amorce dans le monde occidental. Grâce au progrès économique, aux avancées de l’hygiène et de la médecine, et à la structuration des États modernes, les grandes famines et les épidémies reculent. La mortalité, notamment celle des nourrissons, chute rapidement. Or, les familles restent encore très fécondes : les naissances dépassent alors largement les décès, entraînant une explosion démographique.

Une ou deux générations plus tard, un nouveau modèle émerge : les couples choisissent de limiter volontairement le nombre de naissances et maîtrisent leur fécondité. L’enfant devient l’enfant « du désir d’enfant ». La natalité baisse mais la mortalité continue aussi de diminuer. La population poursuit donc sa croissance à un rythme de plus en plus modéré.

En cette fin d’année 2025, la population est estimée à 8 231 610 000 personnes. Chaque seconde, naissent entre 4 et 5 bébés. Chaque seconde, meurent entre 2 et 3 personnes. La population mondiale s’accroit chaque jour de 220 000 personnes, solde positif de la différence entre les naissances (350 000) et les décès (130 000).

Je souhaite attirer votre attention sur le fait que nous étions 3,7 milliards d’habitants en 1970, et 7,4 milliards en 2010. Ainsi, la population mondiale a doublé en l’espace de 40 ans ! C’est un phénomène exceptionnel qui ne s’était jamais produit et qui ne se produira plus jamais. Dans les 40 prochaines années la population mondiale augmentera de moitié. En l’espace de ce temps très court, il est devenu nécessaire d’apprendre à partager les espaces, les ressources, l’eau, les récoltes… Nous identifions en cela quelques-unes des raisons des tensions internationales.

A ceux qui estiment que les tensions mondiales viennent d’une surpopulation, nous répondons que ce n’est jamais le nombre qui fait problème, mais le cœur. Chacun sait qu’il est possible d’être très divisé à quatre, et violent à trois… La paix mondiale dépend non du nombre de personnes, mais de notre considération pour les personnes et l’idée que nous nous faisons de leur dignité, de leur vocation. Que devenons-nous devenir ? Rappelons qu’une personne peut s’envisager non comme un consommateur, mais avant tout comme un gisement d’amour, d’attention et d’empathie.

L’avenir se jouera en Afrique. Aujourd’hui, un être humain sur 6 vit en Afrique ; ils seront un sur quatre en 2050, et peut-être plus d’un sur trois à la fin de ce siècle. C’est en Afrique subsaharienne que la croissance sera la plus spectaculaire : de 1,2 milliard d’habitants aujourd’hui à environ 3,4 milliards en 2100. Comme les autres continents avant elle, l’Afrique suivra sans doute sa propre transition démographique, mais à un rythme et selon des dynamiques qui lui seront propres.

L’avenir de l’humanité ne se joue pas seulement dans les décisions politiques ou économiques, mais avant tout dans le cœur de chacun. C’est là que se fonde la possibilité d’un monde en paix, capable de vivre dans la reconnaissance et le respect mutuel. Chacun est appelé à accorder une véritable considération aux traditions religieuses auxquelles tant d’hommes et de femmes sont profondément attachés. Cette attention sincère n’exclut pas la liberté : nul ne devrait être enfermé dans une identité religieuse, et chacun doit pouvoir choisir, chercher, ou même ne pas adhérer à une tradition religieuse dans le respect de sa conscience.
Aujourd’hui, la diversité spirituelle de l’humanité se déploie avec des écarts importants à connaitre. On compte environ 2,4 milliards de chrétiens, dont 1,4 milliard de catholiques, 1,7 milliard de musulmans, 1 milliard d’hindous, 400 millions de bouddhistes, 370 millions d’animistes sous des formes multiples et 16 millions de juifs. Ces chiffres ne sont pas seulement des données statistiques : ils expriment la richesse, la mémoire et la quête spirituelle des peuples.
Ils nous invitent à réfléchir avec gravité. En 1900, il y avait 15 millions de juifs dans le monde — un nombre qui rappelle les blessures de l’histoire et montre que le peuple juif, meurtri par la Shoah, a su retrouver la vie. À cette époque, redisons-le, la population mondiale s’élevait à 1,7 milliard d’habitants : un monde infiniment plus restreint, avec moins de sociétés pluri-religieuses, mais toujours en quête de dignité et de paix.
À côté de ces grands ensembles, des traditions comme le confucianisme, le taoïsme, le shintoïsme ou le sikhisme, rassemblent chacune entre 30 et 200 millions d’adeptes. Elles participent elles aussi à l’immense symphonie spirituelle de l’humanité, à laquelle il faut ajouter qu’environ 750 millions de personnes se déclarent sans religion, athées ou agnostiques.
Ainsi, l’avenir pacifique du monde dépendra de la manière dont nous regarderons cette diversité non comme une menace, mais comme une chance. Il dépend de notre capacité à tous, de reconnaître en chaque tradition religieuse une recherche du sens, du vrai et du bien. Il dépend de notre dialogue de sauver les traditions, petites ou grandes qui s’enferment dans la spirale odieuse de la violence et de l’intégrisme. C’est dans cette considération mutuelle, dans ce dialogue respectueux et confiant, que se construit la paix — une paix qui naît du cœur et s’étend à toute la famille humaine.


Père Laurent Stalla-Bourdillon

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