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L’embryogénèse ou l’émerveillement de la différence des sexes

Depuis une cinquantaine d’années, les sociétés occidentales sont traversées par des tensions liées aux inégalités entre hommes et femmes. La contestation des rôles sociaux se fait plus forte à mesure que sont mis en évidence des stéréotypes de genres qui sous-tendent ces rôles. La domination masculine et l’infériorisation des femmes sont injustifiables quelles que soient les raisons invoquées. Plus largement, les sociétés occidentales sont confrontées à la question ancienne et toujours nouvelle, de la signification même des sexes. Les différences corporelles entre homme et femme emportent intrinsèquement des fonctions différentes. Les « études de genre » analysent la manière dont les sociétés comprennent et gèrent cette différence des sexes. Elles ont révélé des schémas injustes produisant les inégalités entre hommes et femmes.

La recherche de parité et de l’égalité est devenue une cause politique. Elle entend lutter contre ces stéréotypes enkystés dans les esprits, reproduisant indéfiniment les mêmes inégalités. Cette égalité nécessaire doit-elle passer la disqualification de la différence des sexes ? La légitime cause paritaire semble échapper à ses promoteurs puisque la volonté de déconstruire les stéréotypes s’énonce désormais dans des discours plus offensifs qui interrogent jusqu’à la pertinence même de la binarité des sexes et questionnent la vérité de la différentiation sexuelle.

Les évidences d’hier distinguant deux sexes, sont contestées par la lecture militante des nouvelles connaissances scientifiques. Les connaissances les plus récentes en embryogénèse ont confirmé la complexité du processus de différentiation sexuelle et les stades nombreux ou des anomalies embryonnaires pouvaient se produire. A tel point que s’est faite jour, la volonté de construire un nouveau récit interprétatif capable de remplacer le schéma antérieur de l’altérité homme-femme jugé responsable des stéréotypes inégalitaires. En cessant de distinguer les connaissances biologiques et leurs représentations sociales et culturelles, autrement dit, le sexe et le genre, une confusion s’est installée. Il est même fait reproche aux scientifiques d’être déjà eux-mêmes contaminés par les stéréotypes de genres imprégnant leur environnement et faussant la lecture de leurs travaux :

« Depuis une quarantaine d’années, ces scientifiques ont apporté de nombreuses réponses à la question « comment devient-on femelle ou mâle ? » mais il est intéressant de noter que ce sujet, déjà très complexe d’un point de vue biologique, est, en outre, pris dans un réseau de structures sociales qui en compliquent l’approche. En effet, les scientifiques travaillent dans des sociétés structurées par le « genre », c’est-à-dire où les rapports entre les femmes et les hommes sont fondés sur des inégalités au détriment des femmes, et il est donc vraisemblable que leur approche de l’étude des mécanismes qui contrôlent le développement des femelles et des mâles est, elle-même, empreinte d’un certain nombre de stéréotypes de genre. [1] »

Cet argument permet de contester à priori toute expertise, au motif qu’elle serait entachée par des présupposés déjà discriminants. Cette critique cache l’intention de prouver que si la complexité de la morphogénèse des sexes peut donner lieu à des variations, elles ne seraient plus des anomalies du développement, mais l’expression d’une nouvelle diversité de genres. L’acceptation sociale de cette diversité impliquerait aujourd’hui des modifications juridiques et des adaptations de l’état civil. Des associations y travaillent tandis que l’opinion publique demeure à distance de ces sujets.

Il est toujours nécessaire de revenir à l’acquis des sciences et d’exposer à nouveau la compréhension scientifique de la différence des deux sexes masculin et féminin. La qualité des études de genre sur le traitement social des sexes ne saurait ignorer ce que l’embryogénèse enseigne de l’invincible binarité sexuelle. Au contraire, les sciences aident à mieux répondre aux attentes d’une société plus respectueuse de l’égalité entre hommes et femmes, et plus compréhensive à l’égard des personnes qui éprouvent des troubles dans la relation à leur sexuation corporelle de naissance.

Ainsi, contrairement à ce que certains voudraient déconstruire, les processus qui contrôlent la détermination du sexe durant l’embryogenèse – même s’ils sont extrêmement complexes et encore étudiés - visent invariablement deux catégories étanches de personnes. En voici le résumé.

« Le développement des organes génitaux peut être schématiquement comparé à la construction d’un édifice à trois étages. La gonade primitive indifférenciée est la première pierre qui commence à se former. À la 7ème semaine, elle se différencie en testicule ou en ovaire, ce qui va conditionner le reste. Les voies génitales dérivent de structures différenciées et transitoires qui coexistent dans l’embryon : les canaux de Wolff qui sont à l’origine des voies génitales masculines et les canaux de Müller qui vont former les voies génitales féminines. Les organes génitaux externes dérivent eux aussi de structures indifférenciées composées du tubercule génital et des bourrelets labio-scrotaux entourant la fente urogénitale. L’ensemble des événements est contrôlé par des facteurs génétiques et hormonaux complexes dont le moment d’expression est déterminant pour que la différenciation puisse se faire dans le sens féminin ou masculin. Cette complexité et la subtilité des phénomènes expliquent en grande partie la fréquence des variations et parfois des anomalies qui peuvent être observées à tel ou tel étage de l’édifice, que ce soit d’un point de vue anatomique ou fonctionnel. (…) La gonade primitive est donc un organe transitoire qui a le potentiel de se différencier soit en ovaire soit en testicule. [2] »

Les grandes religions peuvent participer à cet effort de réflexion afin d’interroger ce qui, en elles, favorise encore à tort des inégalités et ce qui pourrait les encourager à une meilleure compréhension de l’égale dignité des personnes et aussi de la signification spirituelle de la spécificité des hommes et des femmes. Il faut pour cela comme y encourage le Pape François « aller au-delà de la juxtaposition des savoirs, en initiant une réélaboration des connaissances à travers l’écoute mutuelle et la réflexion critique. [3] »
Plus encore, si l’embryogénèse fait le constat qu’il y a deux sexes, la question demeure pourquoi y a-t-il deux sexes ? A cette question, il n’est pas certain que nous ayons épuisé la réponse à apporter qui se contente trop souvent de la fonction reproductive. Tout donne à penser que l’humanité consciente de sa dualité, soit capable de saisir une signification spirituelle de cette différentiation. Elle est en effet le signe visible et intelligible d’une réalité invisible dont l’humanité est l’image. Ce champ d’étude demeure encore bien inexploré mais constitue une voie nouvelle pour affirmer l’indiscutable égalité des sexes masculin et féminin.

Notes :

[1Joëlle Wiels, La détermination génétique du sexe : une affaire compliquée , Recherches 2015, pages 42 à 63, Éditions La Découverte

[2Pierre Jouannet Développement et fonction des organes génitaux , dans Recherches 2015, pages 64 à 77, Éditions La Découverte


Père Laurent Stalla-Bourdillon

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